lundi 5 novembre 2018

Paul Tuffrau, écrivain


Paul Tuffrau débute sa carrière d'écrivain dans le quotidien Le Journal. Dès 1911, il rédige, sous le pseudonyme Robertot ou habituellement E. Robertot, différents articles dont les sujets portent sur l'histoire, la littérature, ou l'art.

C'est aussi dans ces années qu'il écrit des nouvelles basques, à partir de ses promenades dans le Pays Basque, proche de Bordeaux dont il est originaire, et auquel il était très attaché. 
L'une d'elle sera publiée dans la Revue Philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest en 1920 (numéro de janvier-mars) : « La vertu de l'aulne, légende basque ». Une autre publication a eu lieu dans ces années-là dans L'Information, sous le pseudonyme de Jean Detcharry. L'ensemble des nouvelles sera regroupé en un volume, Anatcho (Biarritz, Atlantica, 1999), par sa fille, Françoise Cambon, qui l'a présenté dans un avant-propos :
« C'est, en réalité, une suite de souvenirs personnels d'un pays que Paul Tuffrau a profondément aimé, mêlés de rêveries le soir dans la montagne, de légendes glanées par-ci, par-là, au fil de ses promenades. […] On sent à travers ces pages une certaine nostalgie de l'auteur à l'évocation de ce pays mystérieux, dont les traditions, il le sent bien, sont appelées à disparaître, et, également, l'attraction d'une Espagne toute proche, encore inconnue de lui. Mais si, de tout cela, il ne reste plus maintenant qu'un souvenir mélancolique, ce qui, en revanche, est toujours actuel, c'est le bruit des ruisseaux dans les montagnes, le vent léger dans les forêts, les couleurs du ciel, la paix de ces petits villages nichés au fond des vallées et le son des cloches qui nous rappelle ce qui n'est plus. Et c'est ce mélange du passé et du présent qui rend, pour nous, ces récits du temps jadis étonnement prenants… »
Son ami et écrivain Bernard Marcotte lui avait écrit au sujet de ces nouvelles (10 septembre 1910) :
J’ai lu et relu tes nouvelles et je ne puis te dire comme je les aime. Outre l’intérêt du pittoresque et l’art avec lequel les moindres détails sont situés tout cela est plein d’âme. Récits, décors, causeries sont enveloppés par un sentiment indéfinissable, fondus dans une émotion unique : la première nouvelle (devant la ferme) m’a pénétré comme de la musique. La seconde m’a rappelé le moyen âge, la grâce de ses légendes et de ses statues. C’est tout à fait toi et c’est très beau. En as-tu d’autres en train : tu peux continuer avec confiance : tu as atteint tout ce que tu as cherché. 
Toujours dans ces années d'avant-guerre, Paul Tuffrau se met à tenir un journal personnel, sur de petits carnets : 20 carnets, de septembre 1910 à juillet 1925, auxquels il faut ajouter des notes sur des feuilles volantes, dès 1908, et jusqu'en 1944. 
Des extraits de ces carnets et de ces notes ont été publiés :
- des passages consacrées par Paul Tuffrau aux deux visites qu'il a rendues en 1911 à Romain Rolland : « Romain Rolland et Paul Tuffrau. Entretiens avec un jeune normalien », présentation par Henri Cambon, Cahiers de Brèves - Etudes Romain Rolland, n° 35, juin 2015
- une grande partie de ce qui concerne la Première Guerre mondiale : 1914-1918. Quatre années sur le front. Carnets d'un combattant (Paris, Imago, 1998)
- des pages sur la fin de la guerre et sur l'occupation de la Sarre qui s'en est suivie, publiées en 1928 par Paul Tuffrau dans les Cahiers de la Quinzaine (à l'époque repris par L'Artisan du Livre) en un petit volume : Nos jours de gloire. De la Moselle à la Sarre en novembre 1918
- les notes prises par Paul Tuffrau lors de la Libération de Paris au mois d'août 1944 : De la « drôle de guerre » à la Libération de Paris (1939-1944) (Paris, Imago, 2002)

Durant la Première Guerre mondiale, Paul Tuffrau a continué à écrire, depuis le Front, pour Le Journal : il s'agissait de récits, portant sur la vie dans les tranchées ou dans les villages des zones de combats, sur la perception de l'arrière, récits émaillés de réflexions sur la conduite de la guerre, et sur ce que pourra être l'après-guerre. Ses écrits parurent dans Le Journal sous le titre « Carnet d'un combattant », puis « Scènes du temps de guerre », et enfin « Scènes et gens du temps de guerre », avec comme signature Lieutenant E. R.
Une première partie de ces articles, ceux publiés de janvier à septembre 1916, fut regroupée en un volume en 1917 chez Payot : Carnet d'un combattant.
Paul Courteault en a fait un long et élogieux compte-rendu, qu'il a intitulé « Un conteur de guerre bordelais » dans le numéro de novembre-décembre 1917 de la Revue Philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest :
 « Le Carnet d'un combattant n'est pas un simple journal de guerre. C'est une suite de contes détachés, d'épisodes, de petits tableaux. […] Ses notes lui ont servi à construire de courts récits, très simples, très justes de couleur et de ton, parfois très beaux et très émouvants. Ces récits, dont, du reste, beaucoup ont été écrits vraiment dans la tranchée, l'auteur a pris la peine de leur donner une forme littéraire. […] Le Carnet d'un combattant mérite d'être rangé dans nos bibliothèques sur le même rayon que l'admirable Grandeur et servitude militaires, de Vigny. » 
La suite des articles de Paul Tuffrau, qu'il continuait à envoyer au Journal (ceux publiés d'octobre 1916 à décembre 1917), a fait l'objet d'un livre paru en 2014 : Autres récits de la Grande Guerre (Paris, Publibook). 

Cet ouvrage comporte aussi des textes de Paul Tuffrau, assez incisifs, sur les dysfonctionnements de la guerre, également publiés dans  Le Journal (de juillet 1917 à janvier 1918) : c'était sous l'appellation « Le Billet du poilu », avec comme signature Lieutenant E. R. pour le premier, A. L. (initiales de la femme de Paul Tuffrau, Andrée Lavieille) pour les suivants.

En 1919, Paul Tuffrau fut un des membres fondateurs de l'Association des Écrivains Combattants.

Parallèlement, Paul Tuffrau renouvela en français moderne des textes du Moyen âge : et ce furent successivement :
- La légende de Guillaume d'Orange (Paris, Piazza, 1920 ; Paris, Flammarion, 1964 ; Paris, Séguier, 1999)
- Les Lais de Marie de France (Paris, Piazza, 1923)
- Raoul de Cambrai (Paris, L'Artisan du Livre, 1924 ; Séguier, 2000)
- Le merveilleux voyage de saint Brandan à la recherche du Paradis (Paris, L'Artisan du Livre, 1925)
- Le Roman de Renart (Paris, L'Artisan du Livre, 1942)
- Garin le Lorrain (Paris, Séguier, 1999)

Paul Tuffrau eut d'autres projets d'écriture, dont témoignent ses archives, non menés à bien faute de temps…
Parmi ceux-ci, celui d'écrire un « roman russe » fut repris par sa fille, Françoise Cambon, et ce fut :
Natacha, une jeune fille russe en 1910 (avec comme sous-titre : Récit romanesque inspiré par des carnets de Paul Tuffrau) (Biarritz, Atlantica, 2010).



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